La fondation du Collège St-Julien dans son contexte (suite)
C’est en 1803 que s’ouvrit la dite institution sous forme d’Ecole secondaire. Elle ne comportait que trois années d’études. Elle fut, tout en prenantl le nom de Collège communal, intégrée en 1808 à l’Université impériale, système d’enseignement monopolistique créé par Napoléon. Les professeurs sont des ecclésiastiques dont certains ont été, semble-t-il, rebutés par l’obligation d’un serment à l’Etat.
Sous le régime hollandais, en 1816, le Collège communal retrouve un cycle complet d’humanités. Des laïcs apparaissent dans le corps professoral. L’établissement est contrôlé par une commission de sept membres nommés par le gouvernement qui laisse délicatement les charges financières à la Ville. Cette tutelle gouvernementale aurait déjà indisposée les milieux catholiques.
En 1830, la Belgique et le Collège d’Ath retrouvent leur indépendance. Commence assez rapidement une lutte entre catholiques et libéraux qui se font une conception assez différente de la liberté d’enseignement proclamée par la Constitution. Liberté d’enseignement pour les catholiques et surtout pour les autorités ecclésiastiques, cela veut dire que l’Etat ou une autorité morale publique n’ont pas à s’occuper de la question. Pour les libéraux, au contraire, l’intervention de l’ autorité publique est seule à même de garantir la liberté que ne préserverait pas un monopole catholique.
La lutte dans les premiers temps, paraît peu idéologique. A Ath, le problème est d’abord de déterminer qui sera le pouvoir organisateur du Collège communal, devenu glorieusement Royal en 1832 à la suite du passage des souverains dans la ville. C’est l’évêché qui va durcir le ton. En effet, de 1831 à 1833, l’autorité communale essaie de nommer successivement trois directeurs-prêtres, tous l’un après l’autre récusés par l’évêque. De l’autre côté, on se radicalise sous le maïorat de J.-B. Delescluse (il sera en 1839 co-fondateur de la loge athoise « La Renaissance ») et en 1837 la rupture est consommée : la ville nomme le premier préfet laïque, Théodore Jouret et les catholiques fondent le Collège de Liessies, ainsi appelé parce que situé dans l’ancien refuge de l’abbaye de Liessies rue des Récollets.
L’histoire de ce Collège qui fonctionna de 1837 à 1859 est une (petite) tranche du passé athois qui mériterait d’être un jour éclairée. Il fut transféré à la rue de Pintamont. Un prospectus qu’on en a conservé comporte en frontispice la représentation de la façade arrière de l’actuelle Maison des Géants. On a peu de renseignements sur le nombre d’élèves qui l’ont fréquenté, mais il semble avoir fait une sérieuse concurrence au Collège Royal au début des années 1850 avant de subir lui-même celle de la toute nouvelle Ecole moyenne de l’Etat et de fermer en 1859.
Plus de collège catholique, plus de guerre scolaire. Le règlement de 1861 du Collège Royal peut d’autre part paraître rassurant pour les Catholiques. La messe y est obligatoire les mardi et jeudi en plus du dimanche, la confession obligatoire tous les deux mois et les professeurs doivent éviter dans leur conduite comme dans leurs cours tout ce qui pourrait contrarier l’instruction religieuse.
Le climat se détériore après 1870. L’association libérale d’Ath réclame la sécularisation de toutes les écoles publiques et dans la nouvelle Ecole moyenne des filles fondée en 1872, il est prévu que la doctrine chrétienne fera partie du programme de toutes les classes, toutes les leçons sans exception seront données par des institutrices laïques diplômées des Ecoles normales de l’Etat et d’aucune façon l’intervention du Clergé ne sera admise. En Hainaut, l’accession à l’évêché de Monseigneur Dumont, ultramontain de choc, c’est-à-dire pourfendeur des libertés modernes dont la condamnation a été réitérée par Pie IX en 1863-1864 ne va rien arranger. En matière d’enseignement sa position est nette. Il suffit d’un professeur libéral dans un établissement pour que l’établissement soit mauvais ou encore, il ne faut pas qu’on se fasse d’illusion, nous n’avons rien à attendre de tout ce qui sort des écoles officielles, même des meilleures et même sous un gouvernement catholique. L’expérience est faite, l’esprit de toutes ces écoles est libéral et il n’en sort que des libéraux.
Dynamique, Monseigneur Dumont va donc entreprendre d’étoffer l’enseignement catholique dans son diocèse. En quelques années il étend les activités du Collège de Tournai, de Leuze, il agrandit l’école normale de Bonne-Espérance (ancêtre de Braine-le Comte) ; il fonde les Collèges de Soignies, Charleroi dont il obtient de Rome qu’il soit repris par les Jésuites, Ath, Chimay, La Louvière dont il ne verra pas l’ouverture pour des raisons qu’on explicitera plus loin.